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Peter Ricketts

Ambassador to France from February 2012 to January 2016.

23rd March 2015 Paris, France

N'oublions pas la Crimée

Euro Revolution in Kiev, Sunday 1st of December 2013 - Credits: mac_ivan, Creative Commons License
Euro Revolution in Kiev, Sunday 1st of December 2013 - Credits: mac_ivan, Creative Commons License

Nous venons de marquer le premier anniversaire d’un événement dramatique : l’occupation et l’annexion de la Crimée par la Russie. On a peut-être tendance à dire que maintenant c’est un fait accompli : « soyons pragmatiques, on a d’autres raisons de renforcer les relations avec la Russie ». Bien sûr, nous devons travailler avec la Russie, mais ce serait une grave erreur d’accepter l’annexion de la Crimée.


Version écrite (suite)

Pourquoi ? Surtout parce que nous avons construit notre Europe sur la base de certaines normes et principes, y compris le respect de l’intégrité territoriale de nos voisins. L’histoire est remplie d’exemples de ce qui pourrait se passer si ces règles étaient bafouées.

En agissant comme cela, M. Poutine et le gouvernement russe n’ont pas respecté les principes fondamentaux de la charte de l’ONU et d’autres traités qu’ils ont signés.

Il est évident – et M. Poutine lui-même le confirme maintenant – que ces “petits hommes verts” sans insigne qui ont investi la Crimée étaient des forces d’élite russes. Le référendum en Crimée qui a confirmé l’annexion a été organisé avec seulement deux semaines de préavis, sans observateurs internationaux et ceux et celles qui se sont opposés ont été intimidés.

Le prétexte de cette action, c’était que les droits des russophones en Crimée étaient menacés. En réalité ils n’ont été menacés par quiconque. Ce qui a été affaibli par ces actions, c’est l’état de droit dans notre continent européen.

Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas accepter cette annexion illégale de la Crimée par la Russie. Il existe une autre voie : les Russes peuvent retirer leurs forces de la Crimée et de l’est de l’Ukraine. Ils peuvent accepter les accords de Minsk, laisser le peuple ukrainien organiser son avenir dans son propre pays.

La position ferme du gouvernement du Royaume-Uni, c’est que les sanctions punissant ceux qui sont responsables de ces actions restent en place jusqu’à une solution basée sur l’état de droit.

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Voici le texte de la tribune de Sir Peter Ricketts publiée dans Le Figaro le 23 mars 2015 :

Voici un an, le Kremlin a aidé à organiser en Crimée, au mépris du droit comme de toute légitimité, un “référendum” qui a culminé avec l’annexion de la Crimée par la Russie au détriment de l’Ukraine, redessinant ainsi et par la force la carte de l’Europe tout en aggravant la crise qui commençait alors à se développer dans l’Est de l’Ukraine.

Le prétendu référendum, organisé à la hâte en seulement deux semaines, a été une parodie de démocratie. Il s’est déroulé en l’absence d’observateurs indépendants et internationaux. Au lieu de cela, des troupes d’élite russes – les “petits hommes verts”, comme les ont surnommés les populations locales – ont fait prévaloir sur le terrain les volontés du Président Poutine. N’ayons aucune illusion sur les origines de ces combattants. Leur équipement, leur accent et leur entraînement ont amplement prouvé qu’il s’agissait de Russes, même si les insignes permettant de les identifier avaient été enlevés de leurs uniformes.

Tous ceux qui manifestaient leur opposition à l’occupation par les troupes russes se sont trouvés en butte à l’intimidation et aux menaces. Depuis lors, plusieurs personnes ont disparu tandis que d’autres ont été retrouvées mortes, dont l’une présentant des traces de torture.

Tout cela s’est fait sous le prétexte fallacieux, invoqué par les autorités russes, que les droits des russophones de Crimée étaient menacés par Kiev. Ce stratagème cynique ne méritait pas qu’on y attache quelque crédit que ce soit.

De fait, dans un entretien publié récemment le Président Poutine a reconnu qu’il avait projeté d’annexer la Crimée des semaines avant qu’ait lieu le prétendu référendum.

Nous savons qu’aucune menace n’a jamais pesé sur les droits des russophones en Crimée ni en aucune autre partie de l’Ukraine. Peu avant l’annexion, le Haut-Commissaire de l’OSCE aux Minorités nationales déclarait qu’il n’y avait “aucune trace de quelque violence ou menace que ce soit.”

Il est essentiel de ne pas minimiser la signification qui s’attache à l’annexion de la Crimée. Les agissements agressifs de la Russie dans cette région comme dans le Donbass constituent une menace non seulement pour l’Ukraine mais aussi pour le reste de l’Europe.

Ces actions constituent des violations flagrantes d’un certain nombre des engagements internationaux de la Russie, y compris la Charte des Nations Unies, l’Acte final de la Conférence d’Helsinki de l’OSCE ainsi que le Traité de Séparation de 1997 avec l’Ukraine concernant le statut juridique et les conditions du maintien de la flotte russe en mer Noire. Par conséquent, il appartient à tous les Etats membres de l’Union européenne de relever le défi que représentent les agissements de la Russie, un défi tant pour les valeurs que nous avons en partage que pour notre sécurité commune. Aucun pays, si grand soit-il, ne peut bafouer les normes internationales sans avoir à faire face aux conséquences que cela comporte.

Nous ne devons pas accepter comme une réalité nouvelle l’annexion illégale de la Crimée par la Russie. Le fait demeure qu’elle s’est faite au mépris du droit, que la Crimée reste occupée et que les plus vulnérables de ses citoyens sont les premières victimes des politiques coercitives de la Russie.

La triste réalité veut que si la Russie n’avait pas occupé la Crimée l’an dernier ni forcé sa population à voter le canon sur la tempe, la population de Crimée aujourd’hui conduirait paisiblement ses affaires, comme elle l’a fait ces 23 dernières années, sans l’intimidation, les frustrations et la menace physique qui vont de pair avec l’annexion illégale par la Russie.

Il existe une issue à cette situation. La Russie a encore la possibilité de retirer ses troupes de Crimée et de l’Est de l’Ukraine, de tenir ses engagements au titre des accords de Minsk et de laisser le peuple d’Ukraine continuer à gouverner son propre pays.

Mais en attendant que cela se produise, il n’est pas dans notre intention de fermer les yeux sur ce qui s’est passé en Crimée. Notre position est claire : l’annexion de la Crimée est inacceptable, et nous entendons continuer à défendre nos valeurs à l’aide de sanctions qui vont punir ceux qui portent la responsabilité d’avoir pris la Crimée à l’Ukraine.

Sir Peter Ricketts, Ambassadeur du Royaume-Uni en France